Ariane Perez a publié une recension critique du dernier livre d’Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République, paru aux éditions La Fabrique. Selon Emre Öngün, cette recension nécessite elle-même une critique… dont l’objet n’est pas son propos sur le livre d’Houria Bouteldja mais sa conception des rapports entre capitalisme et colonialisme/esclavagisme. Le présent texte porte donc sur cet aspect, dont l’enjeu dépasse la recension d’un livre mais porte sur des éléments fondamentaux de compréhension du capitalisme.
Les considérations exposées par A. Perez consistent en ceci :
- Il existe des oppressions et des antagonismes de classe dans chaque société un tant soit peu complexe ;
- De son point de vue, l’enjeu pour les révolutionnaires anticapitalistes est d’être du côté des différents groupes opprimés et exploités.
Schématiquement, on peut distinguer de approches sur les questions internationales. La première consiste en une analyse globale des dynamiques contradictoires du système capitaliste. La deuxième relève de la pratique militante régulière de « solidarité ». Un groupe d’un État A détermine qu’une partie de la population dans un État B est opprimé et/ou exploité et se positionne « en solidarité ». Une réflexion stratégique internationaliste nécessite que la première dimension soit déterminante et que la deuxième dimension s’y insère. L’approche d’A. Perez consiste, au contraire, à remplacer la première dimension par une juxtaposition de « solidarités » pouvant être éventuellement être reliées par des analogies ou l’observation de similarités d’un cas à l’autre. Cet empirisme consistant à mettre bout à bout de nécessaires actions de « solidarités » ne saurait permettre de comprendre les dynamiques transformant le monde.
D’une certaine manière, le propos d’A. Perez fait de nécessité vertu en avalisant « théoriquement » les pratiques militantes de la gauche radicale qui réduisent l’internationalisme à la « solidarité internationale », ou plutôt à une multiplicité de « solidarités » diverses et variées avec des groupes dans différents pays (et qu’il faudrait « faire converger »). Or, une myriade de solidarités plus ou moins reliées ne font pas une stratégie. L’intérêt du texte d’A. Perez est qu’en se cantonnant strictement à cela, en ignorant (volontairement ou non) les débats et apports théoriques marxistes ou même certains éléments fondamentaux de l’œuvre de Marx, non par des omissions mais par des affirmations sans détour, il éclaire le caractère néfaste de cette approche. Cela se manifeste par l’occultation des dynamiques globales du capitalisme et empêche une pleine compréhension de nos tâches en France ainsi que toute réflexion stratégique adéquate à quelque échelle que ce soit (globale ou française).
Ma critique du texte d’A. Perez va se développer en trois points :
– en quoi son propos consistant à nier le caractère structurant du colonialisme transatlantique européen n’offre aucun cadre d’analyse des dynamiques du système capitaliste ;
– en quoi nier ce caractère structurant empêche la compréhension du fait que des catégories et des rapports politiques élaborés dans le cadre colonial se sont étendus à des relations d’oppression non-coloniales ;
– en quoi cette incompréhension entraîne d’importants points aveugles par rapport à l’analyse de la société française et des tâches des révolutionnaires.
Le caractère structurant du colonialisme transatlantique européen pour le système capitaliste
Une grande partie des considérations d’A. Perez consiste à rappeler, d’une part, que le phénomène colonial, l’esclavagisme ou que les guerres expansionnistes ne sont pas l’apanage de l’Europe et, d’autre part, que l’exploitation et les oppressions ont existé et existent toujours au sein des sociétés colonisées. Ce propos est complété par son pendant logique : la lutte des classes est déterminante partout, y compris dans ces sociétés-là.
Il est facile de souscrire à l’assertion selon laquelle, au-delà d’un certain seuil de complexité, il existe des antagonismes sociaux dans toute société, que dans une société, il peut exister des inégalités et différents types d’oppression, capitalisme ou non, colonialisme ou non. Mais en quoi un tel niveau de généralité permet de comprendre le capitalisme (c’est-à-dire les dynamiques qui lui sont spécifiques) et donc présente le moindre intérêt pour des militants marxistes révolutionnaires ? Ainsi, la difficulté majeure du propos d’A. Perez est qu’en procédant de la sorte, elle évacue en réalité la question du capitalisme, sa genèse et son devenir, c’est-à-dire le monde dans lequel nous vivons (et que nous souhaitons détruire). Cela revient à deshistoriciser les phénomènes dont il est question avec pour effet de congédier toute velléité de stratégie révolutionnaire.
La démarche d’A. Perez implique non seulement de relativiser l’importance du colonialisme et de l’esclavage européen dans la genèse du capitalisme – et partant du monde dans lequel nous vivons –, mais même de considérer ce débat comme nul et non avenu dans la mesure où, pour Perez, les idées du livre qu’elle critique sont des élucubrations vides de sens. Comme le propos est repris sur le site de notre organisation, qui est anticapitaliste, alors même qu’il trahit une assez large méconnaissance des questions abordées, examinons de près ce texte avec un appareil critique adéquat.
Dès le début de son texte, A. Perez plante le décor dont elle ne sortira pas :
« Marx nous disait que l’histoire de l’humanité, c’était l’histoire des luttes des classes. Bouteldja nous dit que c’est l’histoire des Blancs asservissant les Autres, les colonisés. Qui est donc le Blanc ? Il est le produit de l’histoire occidentale qui commence en 1492 quand la race blanche s’auto-invente à partir de la traite des Noirs, nous explique-t-elle.
« Ils nous disent 1789. Répondons 1492″. Loin de moi l’idée de nier l’importance symbolique de l’arrivée de Christophe Colomb sur l’île d’Hispanolia. Mais est-il bien sérieux de faire commencer l’histoire de l’humanité à cette date ? Où est donc passé l’Empire Ottoman ? Et le grand mouvement de conquête de l’Islam ? Et l’empire chinois qui faisait alors jeu égal avec l’Occident ? Et l’Inde ? Disparus. »
Avant même d’aborder l’examen historique proprement dit, il est nécessaire de relever une erreur factuelle d’A. Perez. Celle-ci fait comme si considérer 1492 comme une date charnière pour la compréhension du monde (capitaliste) actuel était une lubie (guère « sérieuse ») de H. Bouteldja en lui opposant K. Marx sur ce point. Pourtant, il s’agirait plutôt de convoquer K. Marx (et quelques autres) contre A. Perez. Certes Marx et Engels ont affirmé, dans Le Manifeste du parti communiste, que « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte de classes ». Bien heureusement, son propos ne se limitait pas à cela.
En effet, au sujet de la genèse du capitalisme et de l’accumulation primitive, Marx écrit dans Le Capital :
« La découverte des contrées aurifères et argentifères de l’Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques d’accumulation primitive qui signalent l’ère capitaliste à son aurore. Aussitôt après, éclate la guerre mercantile; elle a le globe entier pour théâtre. (…) Les différentes méthodes d’accumulation primitive que l’ère capitaliste fait éclore se partagent d’abord, par ordre plus ou moins chronologique, le Portugal, l’Espagne, la Hollande, la France et l’Angleterre, jusqu’à ce que celle-ci les combine toutes, au dernier tiers du XVII° siècle, dans un ensemble systématique, embrassant à la fois le régime colonial, le crédit public, la finance moderne et le système protectionniste. (…) Ce fut la traite des nègres qui jeta les fondements de la grandeur de Liverpool ; pour cette ville orthodoxe le trafic de chair humaine constitua toute la méthode d’accumulation primitive. Et, jusqu’à nos jours, les notabilités de Liverpool ont chanté les vertus spécifiques du commerce d’esclaves. » (souligné par moi)1.
Dans ces passages, K. Marx accorde une place déterminante à 1492. C’est même tout le contraire : il considère que ce sont bien le colonialisme européen en Amérique (et non l’expansion des empires chinois ou ottoman, non l’histoire de l’Inde), la traite des noirs par les puissances coloniales européennes (non l’esclavagisme dans les sociétés africaines, précolombiennes ou autres) qui ont contribué directement et décisivement à l’accumulation primitive du capital. Sur cette question, K. Marx est d’ailleurs dans la lignée d’A. Smith. En d’autres termes, il ne s’agit pas pour K. Marx « de faire commencer l’histoire de l’humanité » (question qui, autant que je le sache, n’en est pas une pour lui) mais bien celle du capitalisme industriel à partir de 1492. Or, c’est la question qui devrait faire pour des révolutionnaires anticapitalistes. L’emploi du terme « aurore » de l’ère capitaliste ne saurait mieux illustrer l’approche de K. Marx.
Sans préjuger du reste de l’ouvrage de H. Bouteldja, en ce qui concerne l’historicisation du monde capitaliste dans lequel nous vivons, on ne saurait affirmer que la formule « Ils nous disent 1789. Répondons 1492 » manque de « sérieux ». Ce qui certainement n’est pas sérieux, c’est de lui opposer le nom de K. Marx. Ajoutons à cela que de nombreux travaux d’historiens marxistes ont étudié le lien entre 1492, autrement dit la colonisation des Amériques puis la traite des Noirs, et la structuration de notre monde capitaliste. Abordons brièvement deux aspects :
1) L’impact directement économique du colonialisme dans l’émergence du capitalisme
Trotsky relève que « la découverte de l’Amérique, qui d’abord enrichit et rehaussa l’Espagne, lui devint ensuite néfaste. Les grandes voies commerciales s’écartèrent de la péninsule. Les Pays-Bas s’étant enrichis, se détachèrent de l’Espagne. Après eux, l’Angleterre érigea sa suprématie sur l’Europe, et pour longtemps »2.
En effet, « l’afflux de lingots depuis le Nouveau Monde produisit également un parasitisme qui sapa et mit fin de manière croissante aux manufactures domestiques » (traduction personnelle depuis l’anglais, Perry Anderson, Lineages of the Absolutist State). Or « le trésor américain, en l’absence d’opportunités pour l’investissement productif, stimula l’inflation en Espagne qui réduisit encore plus les possibilités pour les manufacturiers domestiques pouvant concurrencer les produits moins chers d’industries établies dans les économies à relativement faible inflation telles que la France, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne »3. L’effet déstructurant du trésor américain fut renforcée par l’illusion qu’elle permettrait à l’empereur Philippe II de mener une guerre intenable contre les Ottomans en Méditerranée et la Hollande au nord et à recourir à de très importants emprunts. Si bien qu’entre 1492 et la fin du XVIIe siècle, la couronne espagnole fit banqueroute huit fois.
Or, Alexander Anievas et Kerem Nisancioglu rappellent que, comme la dette espagnole était détenue par les banquiers génois qui réorientèrent le surplus sur le marché des obligations auquel avait accès le capital hollandais, « au long des XVIe et XVIIe siècles l’Espagne et le Portugal agirent comme des conduits de transfert de l’essentiel des lingots d’Amérique vers les coffres des financiers d’Anvers, Amsterdam, Londres, Paris et Gênes. L’argent du Nouveau Monde contribua à l’espace structurel géopolitique ouvert en Europe du Nord-Ouest (particulièrement la Hollande et l’Angleterre) et son développement capitaliste »4. Le trésor américain passé dans la finance européenne joua un rôle fondamental pour le commerce avec l’Asie de la Hollande et de l’Angleterre (via leurs Compagnies des Indes orientales respectives) et l’expansion du capitalisme mondial.
Mais le caractère central de 1492 dans la structuration ne s’est pas limité à fournir les ressources financières et un marché mondial aux sociétés où un ensemble de facteurs concourraient par ailleurs à l’émergence du système capitaliste. Le colonialisme transatlantique européen a également entraîné des changements dans le domaine de la production, aussi bien dans les colonies proprement dites qu’en métropole.
2) Le colonialisme, la plantation esclavagiste, la production et l’émergence du capitalisme industriel
La plantation combinait le capital anglais, la terre américaine et les esclaves d’Afrique. Cette combinaison était sans précédent et la plantation américaine est donc fondamentalement différente des autres formes d’esclavage (et de plantations) en tant qu’unité productive orientée spécifiquement vers une production capitaliste.
K. Marx cite d’ailleurs l’esclavage de plantation comme l’un des contre-tendances à la baisse tendancielle du taux de profit. « D’autre part, les capitaux engagés dans les colonies rapportent des profits d’un taux plus élevé, parce que telle est la règle dans les pays peu avancés au point de vue économique, où l’on fait travailler des esclaves et des coolies et où l’on exploite le travail avec plus d’âpreté. À moins que des monopoles ne fassent sentir leur influence, rien ne s’oppose sous un régime de libre concurrence à ce que ces taux plus élevés contribuent à une majoration du taux général du profit »5. Dans ce passage, K. Marx fait de la combinaison hybride de la plantation américaine un élément constitutif des lois de développement du capitalisme.
Pour légitimer sa relativisation du colonialisme européen, A. Perez invite à ne pas être « européocentrée » : « Il est d’ailleurs, assez paradoxal de voir combien Houria Bouteldja se cale sur une histoire « européocentrée » dans ses repères, 1492 étant pour elle la date pivot. Or de plus en plus se développe une historiographie qui se veut globale, qui décentre le regard pour le faire porter par exemple sur l’Asie, et qui étend à l’ensemble du monde des notions que l’on pensait spécifiques à l’Europe ou l’Occident » (et elle renvoie en note aux travaux de Jack Goody). Mais il y a là aussi une erreur : décentrer le regard, ne pas voir l’histoire de l’humanité à travers le prisme européen, est une chose ; nier le caractère globalement structurant du colonialisme européen (pour toutes les raisons exposées) en est une tout autre. Par un détournement extrêmement curieux, décoloniser la pensée revient ici à minorer l’impact du colonialisme européen !
A. Perez écrit ainsi : « il se trouve que des Blancs ont colonisé des Blancs et que des Non-blancs ont colonisé des Non-Blancs », ce qui ne peut mener qu’à relativiser la portée du colonialisme transatlantique européen. Elle cite successivement les cas du Japon vis-à-vis de la Corée et ensuite de la Chine, puis le joug colonial anglais sur l’Irlande.
D’ailleurs à ces quelques exemples, A. Perez aurait pu ajouter celui de la république turque par rapport aux Kurdes, un cas que j’ai abordé dans un entretien récent. Si ces phénomènes ont joué et jouent encore – parfois directement dans le cas de la Turquie/Kurdistan – un rôle fondamental pour les sociétés concernées, ils ne constituent pas pour autant des processus ayant structuré le monde capitaliste. La reconnaissance d’oppressions coloniales/nationales dans les pays du sud ne change donc rien à l’affaire : dans le cas du Japon par rapport à ses voisins ultra-marins et de la Turquie vis-à-vis du Kurdistan, ces oppressions interviennent tout simplement trop tardivement pour cela dans des pays déjà confrontés à un système capitaliste mondial mature (et, dans le cas de la Turquie, en se situant à sa périphérie).
Pour le cas irlandais, le joug colonial anglais est bien plus ancien et le colonialisme anglais était lié à son capitalisme national. Toutefois, cela n’explique pas l’essor initial du capitalisme en Angleterre. De ce point de vue, il est tout fait significatif que K. Marx, pourtant extrêmement sensible à la question irlandaise, la liant à la révolution sociale en Angleterre au XIXe siècle et ayant participé à des campagnes de solidarité avec les républicains irlandais, ne cite pas ce fait colonial comme constitutif de la genèse du capitalisme. Cela n’est évidemment pas un hasard puisque la petite Irlande n’était pas en mesure de fournir les ressources nécessaires à cette « aurore » du capitalisme.
L’élaboration de rapports sociaux dans le cadre colonial et leur extension à des relations d’oppression non-coloniales (racisme et « blanchité »)
Le cas irlandais permet de faire la jonction avec un autre point qu’aborde A. Perez en critique de H. Bouteldja, celle de la « blanchité ». A. Perez écrit :
« Quant à la supériorité de la « blanchité » (sic), elle est loin d’être l’apanage des Blancs entendus comme les Occidentaux, héritiers de 1492. Là encore, si Bouteldja regardait l’Asie, elle verrait que la peau blanche est le marqueur de classes dominantes parfaitement indigènes. Il en va ainsi en Inde où les castes supérieures sont blanches et où la peau est de plus en plus foncée au fur et à mesure que l’on descend dans l’échelle des castes. Avoir un teint clair y est une véritable obsession. Même phénomène au Japon ou en Chine. Rien de colonial là-dedans. Dans des sociétés fondamentalement paysannes, le teint pâle marque celui qui ne travaille pas dehors3, alors que les paysans portent dans la couleur de leur peau, la dureté de leur vie. La couleur est ici un marqueur social : chassez la lutte des classes, elle revient au galop… »
Constatons d’abord un illogisme interne au propos. La recherche d’une couleur de peau claire est indiquée comme un marqueur de différenciation sociale dans les sociétés paysannes a contrario des sociétés industrialisées (note 3 d’A. Perez « Ce fut vrai en Europe jusqu’à la Révolution industrielle qui, déplaçant les anciens paysans vers les usines, allait leur donner un teint blafard. »). En donnant l’exemple du Japon (l’une des sociétés les moins agricoles au monde !) comme exemple de société contemporaine où existerait une véritable obsession pour le teint clair, A. Perez contredit sa propre équation « société paysanne=teint clair marqueur de différenciation sociale ».
Outre ce point de détail, ce passage intervient quelques lignes après avoir évoqué le cas irlandais qui, si A. Perez l’avait abordé de manière sérieuse, aurait pu lui indiquer quelques pistes avec le cas des migrants pauvres irlandais aux États-Unis.
Dans leur ouvrage L’hydre aux mille-têtes, Peter Linebaugh et Markus Rediker indiquent que travailleurs européens, amérindiens et africains avaient des conditions d’existence à peu près similaires, ouvrant la possibilité d’une collaboration et de rébellions multiraciales tel que celle de Chesapeake en 1676. La réponse de la classe dominante fut celle de la différenciation entre travailleurs blancs et noirs, ces derniers étant systématiquement infériorisés. Pour P. Linebaugh et M. Rediker, la hiérarchisation raciale fut complète avec « la loi sur les domestiques et les esclaves » de 1705 et rendue possible par une hiérarchisation juridique entre blancs et noirs à travers l’idéologie du « racisme scientifique ». Celle-ci s’appuya sur l’œuvre de figures majeures telles que le philosophe, économiste et homme d’État William Petty, les philosophes John Locke et David Hume, ainsi que l’Église d’Angleterre. « La construction du racisme en tant que rapport de classe, et en tant qu’idéologie légitimant le diviser pour régner, était donc centrale pour la formation et la reproduction de l’économie coloniale des États-Unis »6.
Pour revenir au cas des Irlandais, dans son livre intitulé « Comment les Irlandais sont-ils devenus Blancs ? »7, Noel Ignatiev analyse comment les immigrés irlandais aux États-Unis, ayant la particularité d’être d’une nation d’Europe occidentale subissant un colonialisme multiséculaire, sont devenus « blancs ». Ce terme est explicité ainsi par N. Ignatiev « La qualification de ‘Blanc’ n’était pas une description physique, mais l’un des termes d’un rapport social qui ne pouvait exister sans le terme opposé. « Un travail de blanc » voulait simplement dire un travail dont étaient exclus les Afro-américains ». À partir d’une étude du cas de Philadelphie, N. Ignatiev montre que pour devenir « blanc », la plupart des immigrés irlandais, travailleurs extrêmement pauvres, ont subjugué par la violence les Africains-Américains et ont soutenu fermement le Parti démocrate, parti de l’esclavagisme aux Etats-Unis au XIXe siècle.
En tant que colonisés, les Irlandais n’étaient donc pas initialement « blancs » pour la bourgeoisie anglo-saxonne. Ils ont pu sortir de leur condition en participant à l’écrasement des seuls qu’ils pouvaient opprimer : ceux dont l’esclavage par le colonialisme européen avait constitué un élément fondamental de la genèse du capitalisme, donc de la structuration des États-Unis et désormais du monde. Pas « rien » mais beaucoup de colonial là-dedans pour peu que l’on considère l’analyse du capitalisme au-delà de formules creuses telles que « chassez la lutte des classes, elle revient au galop… ». L’exemple des immigrés irlandais illustre de manière particulièrement nette comment ce qui a été généré dans le cadre colonial peut se redéployer et concerner des populations n’ayant pas initialement de rapports coloniaux entre elles (irlandaises et africaines-américaines dans ce cas).
Mais un autre cas historique – celui du nazisme – permet cette illustration. Or A. Perez l’aborde également et écrit à son propos :
« Rappelons que le projet nazi de construction d’un monde nouveau passait par la colonisation de l’Est européen, Pologne et Russie en premier lieu, incluant la mise en esclavage des populations de ces régions. »
C’est certainement le cas, mais sous la plume virtuelle d’A. Perez, ce rappel a pour fonction de relativiser le caractère structurant du colonialisme européen, en somme de lui opposer le nazisme comme un super-colonialisme envers les Russes et les Polonais sans que cela ait de rapport avec 1492. Pourtant, depuis Hannah Arendt, le découpage colonialisme/fascisme-nazisme est pour le moins battu en brèche. Au sujet de l’administration coloniale britannique, H.Arendt écrit dans Les Origines du totalitarisme :
« En comparaison, l’exploitation, l’oppression et la corruption font figure de remparts de la dignité humaine, car exploiteur et exploité, oppresseur et opprimé, corrupteur et corrompu vivent encore dans le même univers, partagent encore les mêmes ambitions, se battent encore pour la possession de mêmes choses »
Si bien que :
« Là à la barbe de tous se trouvaient nombre des éléments qui une fois réunis seraient capables de créer un gouvernement totalitaire sur la base du racisme. Des massacres administratifs étaient proposés par des bureaucrates aux Indes, tandis que les fonctionnaires en Afrique déclaraient qu’aucune considération éthique telle que les droits de l’homme ne sera autorisée à barrer la route à la domination blanche » (souligné par moi).
Cette continuité est également observable selon H. Arendt du point de vue de la mise en œuvre :
« Les camps de concentration eux-mêmes ne sont pas une invention des mouvements totalitaires. Ils apparaissent pour la première fois au début du siècle, pendant la guerre des Boers, et l’on continua à les utiliser en Afrique du Sud aussi bien qu’en Inde pour les éléments indésirables, les suspects dont les crimes ne pouvaient être prouvés et qui ne pouvaient être condamnés en suivant le cours ordinaire de la justice. ».
Domenico Losurdo poursuit la réflexion d’H. Arendt sur ce point, en approfondissant le lien entre la théorie de la suprématie blanche originaire des États-Unis, particulièrement l’œuvre de Lothrop Stoddard, et le nazisme. Les écrits de L. Stoddard cherchaient à « théoriser » « scientifiquement » l’inégalité des races à partir du contexte des États-Unis. Son principale ouvrage, Le Flot montant des peuples de couleur contre la suprématie mondiale des blancs (1920), eut un grand succès aux État-Unis (où il fut encensé par les présidents Harding et Hoover) puis influença fortement les nazis. D. Losurdo indique ainsi que « le Troisième Reich se présente comme la tentative, développée dans les conditions de la guerre totale et de la guerre civile internationale, de réaliser un régime de white supremacy [suprématie blanche] à l’échelle planétaire et sous hégémonie allemande, en ayant recourt à des mesures eugénistes, politico-sociales et militaires », avec les Polonais et les Slaves assimilés par le nazisme à des « indigènes » européens. Le colonialisme et l’esclavagisme transatlantique des européens ont ainsi été l’incubateur du nazisme et des théories de l’inégalité raciale.
L’affirmation selon laquelle « des Blancs ont colonisé des Blancs et des Non-blancs ont colonisé des Non-Blancs est donc factuellement juste mais ne remet en rien en cause la centralité du colonialisme et de l’esclavagisme par les Européens au-delà de l’Europe, ni la centralité de 1492 comme date pivot, comme tournant historique majeur à l’échelle du monde, ni ne présente, de manière générale, un intérêt politique pour la compréhension du capitalisme contemporain ou de nos tâches en France.
Des points aveugles quant à l’analyse de la société française et des tâches des révolutionnaires
Les impasses dans lesquelles s’engage résolument A. Perez entraînent, logiquement, d’importants points aveugles concernant la France, État colonial occidental, dans la partie « Responsabilité collective héréditaire » et la partie finale « Repentez-vous car la fin des temps est proche (Tintin) » (dont le caractère sarcastique fait furieusement penser à la dénonciation de la « repentance » chère à N. Sarkozy et à quelques autres).
Dans la mesure où Perez nie le caractère structurant du colonialisme européen au sein de la société capitaliste, la portée du colonialisme français en France est circonscrite et relativisée pour aboutir un cadre conceptuel libéral avec deux catégories d’acteurs pris en compte : l’État et les individus.
A. Perez écrit :
« Ainsi, les êtres humains ne sont-ils plus responsables de leurs actes, bons ou mauvais, mais ils se voient chargés en bloc de fautes ou de crimes, vrais ou inventés, commis par leurs ancêtres, réels ou supposés. Or, autant il convient de donner une responsabilité collective à des institutions, à une collectivité et a fortiori à un État, il est clair qu’étendre cette responsabilité à l’ensemble des individus qui les composent est une dérive dont les conséquences sont incalculables, même si le passé nous en a donné quelques exemples. Ainsi, s’il est du devoir de l’État français par la voix de ses plus hautes instances de se confronter à son passé colonialiste et, par exemple, de présenter ses excuses aux peuples qui furent soumis, comme l’ont fait d’autres pays, cette responsabilité ne retombe pas sur chaque citoyen individuellement. Même, insistons sur ce point, même si sa famille, directe ou indirecte fut compromise dans ces actes ».
L’État français doit agir, se confronter au colonialisme, revenir sur son passé (parce que tout de même nous appartenons à la gauche radicale) mais arrêtons-nous là, n’est-ce pas ? Chacun pris individuellement ne porte pas la responsabilité des crimes de l’État – d’ailleurs une bonne partie d’entre nous n’étions même pas nés ! Par quelle ignominie voudrait-on nous attribuer ces crimes, même ceux de nos plus proches parents ? C’est décidément un attitude injuste : embrassons-nous plutôt entre gens de bonne volonté !
Résumer la question à une dichotomie entre la responsabilité de l’État et la responsabilité individuelle, conçue en termes de culpabilité personnelle, manque la question même qui est posée par Houria Bouteldja et la pensée décoloniale. Dans une société capitaliste, il existe des rapports de classe qui s’articulent avec des rapports d’oppression multiples, notamment raciale, a fortiori dans une société ayant exercée une domination coloniale (mais cela est également vrai de sociétés européennes qui n’ont pas été impliquées directement dans la mise en œuvre du système colonial). « La construction du racisme en tant que rapport de classe, et en tant qu’idéologie légitimant le diviser pour régner », génère un privilège dont bénéficie une partie du prolétariat.
A ce propos, Lénine dans son article « L’impérialisme et la scission du socialisme » (1916), cite abondamment les échanges entre K. Marx et F. Engels au sujet du mouvement ouvrier anglais :
« Dans sa lettre à Marx du 7 octobre 1858, Engels écrivait :
« En réalité, le prolétariat anglais s’embourgeoise de plus en plus, et il semble bien que cette nation bourgeoise entre toutes veuille en arriver à avoir, à côté de sa bourgeoise, une aristocratie bourgeoise et un prolétariat bourgeois. Évidemment, de la part d’une nation qui exploite le monde entier, c’est jusqu’à un certain point logique. »
(…)
« Vous me demandez ce que les ouvriers anglais pensent de la politique coloniale. Exactement ce qu’ils pensent de la politique en général. Ici, point de parti ouvrier, il n’y a que des conservateurs et des radicaux libéraux ; quant aux ouvriers, ils jouissent en toute tranquillité avec eux du monopole colonial de l’Angleterre et de son monopole sur le marché mondial » » (souligné par moi)8.
Dans ce cas-là, K. Marx et F. Engels ne font qu’acter le statut relativement privilégié de l’ouvrier anglais, octroyé à l’époque par la prépondérance mondiale du capitalisme colonial anglais. Ils soulignent en outre la responsabilité du mouvement ouvrier anglais, qui refuse de mener une offensive résolue contre le système colonial qui lui assure ce statut. Et si on reprend la question irlandaise (mais cette fois dans le cadre du rapport colonial avec l’Angleterre, c’est-à-dire dans un contexte où les irlandais ne sont pas devenus blancs), K. Marx écrit à son ami Kugelman :
« Ce qui est primordial, c’est que chaque centre industriel et commercial d’Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais moyen déteste l’ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. Par rapport à l’ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les aristocrates et capitalistes de son pays utilisent contre l’Irlande. Ce faisant, il renforce leur domination sur lui-même. Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte à peu près comme les blancs pauvres vis-à-vis des nègres dans les anciens États esclavagistes des États-Unis. L’Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce. Il voit dans l’ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument stupide de la domination anglaise en Irlande » (souligné par moi).
Mais dans cet antagonisme, il n’y a évidemment pas un trait d’égalité. Dans un débat sur la possibilité d’avoir des sections irlandaises autonomes en Angleterre même, F. Engels soutient cette mesure et déclare au Conseil Général de l’AIT (Ière Internationale) :
« Lorsque les membres de l’Internationale appartenant à une nation conquérante demandent à ceux appartenant à une nation opprimée, non seulement dans le passé, mais encore dans le présent, d’oublier leur situation et leur nationalité spécifiques, d’ « effacer toutes les oppositions nationales », etc., ils ne font pas preuve d’internationalisme. Ils défendent tout simplement l’assujettissement des opprimés en tentant de justifier et de perpétuer la domination du conquérant sous le voile de l’internationalisme. En l’occurrence, cela ne ferait que renforcer l’opinion, déjà trop largement répandue parmi les ouvriers anglais, selon laquelle, par rapport aux Irlandais, ils sont des êtres supérieurs et représentent une sorte d’aristocratie, comme les Blancs des États esclavagistes américains se figuraient l’être par rapport aux Noirs ».
Le propos de F. Engels est terme à terme contradictoire avec ce qu’A. Perez considère dans son texte comme la quintessence de l’analyse marxiste : « Si c’est le propre même du racisme que de construire de fausses alliances de ce genre, n’est-ce pas justement notre but que de prendre en même temps ces discriminations collectives et de viser à unir, par la lutte des classes, ceux que le capitalisme préfère désunis ? »
Il manque un élément dans le propos d’A. Perez : la reconnaissance de la différenciation raciale opérée dans la classe par les capitalistes, l’existence de catégories privilégiées et la nécessité de s’y confronter. Dans cette déclaration essentielle, F. Engels part de l’existence des privilèges des ouvriers anglais par rapport aux Irlandais, en tire des conclusions politiques et fait le lien avec la question du colonialisme en Amérique (même si l’emploi du passé indique un optimisme très excessif). Il y a bien ici un enjeu collectif actuel, dans la mesure où des individus bénéficient d’un héritage social sur lequel ils n’ont guère prise, mais cet enjeu se pose, non dans les termes moraux d’une « culpabilité » ou même d’une « responsabilité », mais dans ceux, politiques, de la nécessité d’une stratégie révolutionnaire. Or celle-ci est rendue impossible par la manière dont A. Perez pose le débat.
A. Perez écrit ainsi dans la dernière partie :
« La situation que nous vivons est sombre. Une partie de la société est entraînée depuis quelques années par une lame de fond conservatrice. Les anciennes solidarités ont éclaté, les nouvelles peinent à voir le jour, c’est peu de le dire…. Cela touche toutes les communautés, les immigrés récents ou anciens comme les autres. Il n’est de voir que le résultat des dernières élections législatives en Turquie et en Tunisie dans l’immigration en France : les partis conservateurs y ont fait un score très nettement supérieur à celui du pays d’origine. »
Ce passage laisse pour le moins perplexe tant il est incohérent. D’abord, A. Perez indique qu’ « une partie » de la société est entraînée par une lame de fond conservatrice… pour écrire deux phrases plus loin que cela touche « toutes les communautés », en précisant ensuite immigrés, récents, anciens, comme les autres, donc vraiment « tout le monde » pas « une partie ». Pour ensuite illustrer (?) cette lame de fond conservatrice, de l’ensemble de la société ou d’une partie (on ne sait plus), par les exemples des votes des immigrés de Turquie et de Tunisie en France par rapport à leur pays d’origine.
Outre le fait que, dans le cas des élections turques, l’affirmation est factuellement fausse et que la méthode est contestable9, la formulation est stupéfiante : dans le pays de la « Manif pour Tous », du Front National comme deuxième parti politique, du racisme décomplexé, d’un premier ministre « socialiste » disant que l’enjeu de la période est le combat « identitaire », où un mur est dressé contre les migrants, où les violences policières sont décuplées, où une ministre parle de « nègres ayant choisi l’esclavage » et peut garder son poste, dans un tel pays A. Perez choisit de décrire « la lame de fond conservatrice » à partir des votes des immigrés lors des scrutins de leur pays d’origine. Or, si une lame de fond conservatrice traverse ce pays – et chacun peut tout à fait l’admettre –, pour quelle raison cela n’aurait-il pas impacté également les populations issues de l’immigration, pourquoi cette « lame de fond » n’aurait-elle pas entraîné « tout le monde » avec elle, immigrés compris ? Et quelle conclusions politiques faut-il en tirer ? Que s’ils sont trop conservateurs, ces populations ne méritent pas l’antiracisme ? Qu’ils doivent montrer « patte blanche » pour pouvoir être admis dans un processus d’unification de classe ? Que la classe laborieuse pourrait se passer de combattre les initiatives racistes mises en œuvre par les dominants ? Si la réponse est « non », alors quel est le sens de ce paragraphe ? Peut-être l’indice qu’aucune véritable leçon n’a été retenue des processus de division opérés de manière toujours renouvelée durant des siècles par les capitalistes et leurs idéologues, y compris au sein du mouvement ouvrier.
Cela est fort à craindre lorsqu’on lit A. Perez poser les enjeux du débat de la manière suivante : « Les historiens doivent faire leur travail, l’État doit prendre ses responsabilités, mais il en va des sociétés comme des individus, le ressassement avec tout ce que cela comporte de fantasmes n’aide guère à avancer ». Non, il n’en va jamais des « sociétés comme des individus ». Et cette formule organiciste en dit long, d’abord et avant tout en évacuant que ce qui est en jeu est bien la compréhension des dynamiques structurantes de nos sociétés capitalistes, en relativisant la question coloniale et en considérant toute réflexion lui donnant un caractère constitutif de notre monde non seulement illégitime mais assimilable à un « ressassement », à des « fantasmes ».
1. | ⇧ | Karl Marx, Le Capital, Livre I, VIIIe section : L’accumulation primitive, Chapitre XXXI : Genèse du capitaliste industriel. Voir ici : https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-31.htm |
2. | ⇧ | La révolution permanente, Appendice III, La révolution espagnole et les taches communistes, l’Espagne d’autrefois : https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revperm/rp14.html. |
3. | ⇧ | Traduction personnelle depuis l’anglais, Richard Lachman, Capitalists in Spite of Themselves : Elite Conflict and Economic Transitions in Early Modern Europe. |
4. | ⇧ | Traduction personnelle depuis l’anglais, A.Anievas et K.Nisancioglu, How the West Came to Rule. |
5. | ⇧ | Le Capital, Livre III, Section III : Loi tendancielle de la baisse du taux de profit, Chapître XIV : Facteurs antagonistes. Voir : https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_13.htm souligné par moi. |
6. | ⇧ | Traduction personnelle depuis l’anglais de A. Anievas et K.Nisancioglu, How the West Came to the Rule. |
7. | ⇧ | N. Ignatiev, How the Irish Became White?, Routledge, 1995. |
8. | ⇧ | Voir : https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/10/vil191610001.htm. |
9. | ⇧ | Si on regarde les dernières élections en date (novembre 2015) notons d’abord que ces élections se sont déroulées dans une ambiance de violence et de désinformation qui aura touché autant sinon plus l’émigration, la remarque d’A.Perez porte manifestement sur le score de l’AKP (49,5% en Turquie contre 58,4% en France). Toutefois, A.Perez omet le MHP qui est un parti d’opposition d’extrême-droite à l’AKP et s’en distingue par l’absence de velléité de négocier avec le PKK durant toute son histoire (mais ni en terme de libéralisme, conservatisme, patriarcat, homophobie…). Or, le score du MHP est de 11,9% en Turquie et seulement 5,3% en France. Au final, le cumul AKP+MHP est de 61,4% en Turquie et de 63,7% en France, la différence n’est pas spectaculaire. |