Par Tadzio Müller
Face à l’échec du sommet de Copenhague, et plus généralement du processus Onusien, les militants des mouvements pour la justice climatique doivent-ils revoir leurs stratégies ? Mouvements vous propose la suite du blog de Tadzio Müller, qui relate les dernières discussions tenues à Cochabamba.
Discussion sur le mouvement du climat : tourisme des sommets ou journée mondiale d’action ? 21 avril 2010
Hier soir, j’ai enfin participé à un atelier, ou plutôt à un des « événements parallèles », ces activités qui ont lieu en dehors des groupes de travail officiels, et dans lesquels on trouve dans bien des cas les discussions les plus intéressantes. Le thème : comment les mouvements sociaux doivent-ils se comporter vis-à-vis des Nations Unies après l’échec du sommet de Copenhague ? La réponse semble souvent être : il suffit de continuer. Mobiliser pour Cancun, au Mexique (où aura lieu à la fin de cette année le 16è sommet sur le climat), en espérant à nouveau que rien de mauvais ne s’y passe. Portés par la conférence de Cochabamba, certains pensent même que les relations de pouvoir pourront être inversées, et que nous pourrons enfin obtenir cet accord « juste, ambitieux et contraignant », que certaines organisations environnementales hallucinaient d’elles-mêmes à quelques heures même de l’effondrement du sommet. Hier soir, certains ont à nouveau défendu cette thèse rigide : toutes les forces vers Cancun.
À ce sujet, je me souviens toujours de la manière dont Albert Einstein définit la folie : toujours recommencer à faire la même chose, en espérant que quelque chose de différent en sorte. Après 15 sommets ratés, alors que les émissions globales (de CO2) augmentent, et toujours plus rapidement, malgré les conventions cadre de l’ONU et malgré Kyoto, bien que le seul effet concret de ce sommet soit l’existence d’un terrain de jeu de plus de 100 milliards de dollars pour le capital financier (le marché des droits d’émission, sur lequel de 80 à 90 pourcents de l’ensemble des transactions sont des produits dérivés et où aucun « droit d’émission » significatif n’est vendu), après que les organisations environnementales se soient cassées les dents sur ce processus pendant 15 ans et qu’elles aient, l’année dernière, vendu Copenhague comme la véritable « dernière chance » – encore une fois la même merde ? Same procedure as last year ? Same procedure as every year, James… [1]
Heureusement, les choses changent parfois : la discussion d’hier a été tendue et pleine de controverses, celles et ceux qui sont partisans de continuer à se centrer sur l’ONU ont été mis sur la défensive. Tom Kucharz, du groupe espagnol Ecologistas en Acción a proposé – à l’instar de ce qu’a fait Jürgen Maier, de la Klimaallianz en Allemagne – que l’on se concentre plutôt sur le déplacement des rapports de pouvoir dans les espaces locaux et nationaux. Le réseau international activiste Climate Justice Action (grosse révélation : réseau dans lequel je suis également actif) a expliqué qu’il ne devrait pas y avoir de mobilisation globale vers Cancun – que devrait-on d’ailleurs en attendre ? À la place, on parle d’une « journée mondiale d’action pour la justice climatique », une journée d’action directe pour la justice climatique, qui devrait avoir lieu le 12 octobre 2010. L’argument : puisqu’il n’y a aucune preuve des effets positifs sur le changement climatique, encore moins sur la justice climatique, des négociations des Nations Unies, nous devons prendre les choses en main dès à présent. L’appel précise : « c’est une journée pour des manifestations ou des pétitions. C’est une journée au cours de laquelle nous devons reprendre le pouvoir » et lutter contre le changement climatique et pour la justice climatique. On verra bien comment l’appel sera perçu…
PS : ce qu’est vraiment la justice climatique, personne ne semble le savoir véritablement. Mais au moins, nombreux sont ceux qui en parlent ici. Plus à ce sujet demain…
(traduit de l’allemand par Nicolas Haeringer dans le cadre du projet www.m-e-dium.net)
Publié par Mouvements, le 22 avril 2010. http://www.mouvements.info/Cochabamba-quelles-perspectives.html