C’est désespérant !

Les belles résolutions de certains de nos élus de faire de la politique autrement n’ont certes pas encore influencé leurs collègues de l’Assemblée nationale. À preuve, le nouveau blocage imposé au processus de révision de la carte électorale qui est en cours depuis trois ans et demi. Cette fois-ci, c’est la démission d’un des trois membres de la Commission de la représentation électorale (CRÉ), organisme indépendant des partis, chargé de délimiter les frontières des circonscriptions, qui cause cette paralysie. Ce dernier aurait dû être remplacé en juin mais libéraux et péquistes ne se sont pas entendus sur une première candidature. Cette nomination doit être approuvée par les deux tiers des députés de l’Assemblée nationale. Le prochain épisode de la saga devrait survenir après la reprise de la session en septembre.

La carte électorale  actuelle date de 2001. Pour respecter la loi, la CRÉ doit la réviser périodiquement afin que le poids du vote de chaque électeur demeure le plus égal possible. La révision en cours a débuté en mars 2008 par une consultation populaire à laquelle ont participé plus de 2 000 citoyens et organismes rencontrés dans une vingtaine de villes. Les députés auraient normalement dû être saisis des recommandations de la CRE en septembre suivant et le processus se serait terminé à la fin de 2008.

Mais les parlementaires ont fait attendre la CRÉ jusqu’en septembre 2010 pour la convoquer à une commission qui ne s’est réunie qu’en septembre suivant; soit deux ans plus tard que normalement. Insatisfaits des propositions de la CRÉ, qui prévoyaient notamment l’abolition de trois circonscriptions dans l’Est du Québec et la création de trois autres en périphérie de Montréal, les députés libéraux et péquistes se sont alors ligués pour adopter la loi 132 qui a suspendu les pouvoirs de l’organisme  jusqu’au 30 juin de cette année. Ce désaveu a provoqué le départ à la retraite du directeur général des élections, Marcel Blanchet qui a été remplace par Jacques Drouin.

Entre temps, les deux partis espéraient s’entendre sur de nouveaux critères de découpage de la carte. Mais tel n’a pas été le cas. Ayant recouvré sa liberté le 1er juillet, la CRÉ aurait dû finaliser son processus de révision au cours des prochaines semaines et la nouvelle carte électorale aurait été prête pour 2012. Mais le départ d’un de ses membres la rend techniquement inopérante. Pour le remplacer, l’opposition péquiste a refusé un premier candidat proposé par le gouvernement soutenant qu’il s’agissait d’un militant libéral. Un deuxième candidat doit être présenté après la reprise de la session en septembre.

On sait que certaines circonscriptions rurales comptent présentement deux fois moins d’électeurs que celles situées dans les centres urbains et les banlieues en expansion démographique. De plus, une trentaine des 125 existantes ne respectent plus la règle édictée par la loi  interdisant que le nombre d’électeurs d’une circonscription dépassent de plus ou moins 25% la moyenne de l’ensemble des circonscriptions. Plusieurs autres sont sur le point d’être en infraction à cet égard. En fait, la carte électorale  québécoise est la plus inégalitaire en Amérique du Nord. Le refus de nos élus de respecter une réforme somme toute minimale, mise en place par le gouvernement Lévesque en 1979, en dit long sur l’état de santé précaire de notre démocratie.

Paul Cliche,
Montréal,
17 juillet 2011

 

 

 

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