AccueilNuméros des NCSNo. 18 - Automne 2017Sur la barricade à Oka/Kanehsatake

Sur la barricade à Oka/Kanehsatake

Membre de la nation mohawk de Kanehsatake, Clifton Nicholas est réalisateur de films documentaires, dont No Fracking Way (2013) et The Iron Snake (2014). Il est également militant avec le Réseau environnemental autochtone. Lors de la confrontation de l’été 1990, Clifton était un jeune militant de sa communauté. Pour faire échec à un projet de développement sur des terres revendiquées par les Mohawks et pour s’opposer à la violence policière, il a donc été sur les barricades et vécu de l’intérieur cette longue crise de 78 jours. L’entrevue avec Clifton Nicholas a été réalisée par Pierre Trudel à Kanehsatake en avril dernier. Le texte qui suit résulte d’un dialogue ; des parties de l’entrevue ont été regroupées, d’autres ont été résumées ou ne se retrouvent pas dans le texte.

 

 

La crise des 78 jours

 

En 1970, le gouvernement fédéral met en place un processus de négociation afin de régler hors cour plusieurs centaines de revendications territoriales à la suite de la réduction illégale de « terres réservées aux Indiens ». Ottawa admet, entre autres, l’existence d’une injustice historique à Oka/Kanehsatake, puisque la communauté n’a jamais bénéficié d’une réserve officielle comme les autres. Malgré cela, le gouvernement refuse une demande de « revendication particulière » avancée par le Conseil de bande de Kanehsatake. Par la suite, le gouvernement projette d’acheter des terres en vue d’agrandir l’assise territoriale morcelée. Promoteurs privés et municipalité d’Oka réagissent en planifiant sur ces mêmes terres un développement domiciliaire et l’agrandissement d’un golf.

En juillet 1990, des membres de la Société des Guerriers viennent appuyer le mouvement d’opposition qui a érigé une barricade dans un parc municipal d’Oka. Le matin du 11 juillet, la Sûreté du Québec tente d’intervenir. Pour nuire à cette intervention policière qui rencontre une impressionnante résistance, des Guerriers de Kahnawake occupent le pont Mercier situé de l’autre côté du fleuve St-Laurent. Débordée par ces événements, la Sûreté du Québec ordonne à son unité spéciale lourdement armée d’enlever les barricades à Oka/Kanehsatake, ce qui provoque un échange de coups de feu et déclenche la crise[2]. Un policier est tué[3].

S’ouvre alors une crise qui va durer plusieurs semaines. À Kahnawake, le Conseil mohawk appuie l’opposition armée des Guerriers, ce qui n’est pas le cas à Kanehsatake. Au cours du mois d’août, l’armée remplace la Sûreté du Québec. Après 56 jours, les Forces armées canadiennes et les Guerriers s’entendent sur la réouverture du pont Mercier à Kahnawake. À Kanehsatake, après 78 jours, les derniers Guerriers brûlent leurs armes et sortent du Centre de désintoxication de Kanehsatake où ils avaient été repoussés. Ils sont alors arrêtés et transportés dans un camp militaire.

Quelques années plus tard, un jury ne retient pas les accusations portées contre les Mohawks. Par ailleurs, le projet de développement ne s’est pas réalisé. Parallèlement, le gouvernement fédéral achète des propriétés et des terres en vue d’agrandir l’assise territoriale mohawk[4]. Depuis, des négociations territoriales se poursuivent.

Pierre Trudel

 

 

Kanehsatake et Oka

 

 

Les communautés mohawks

 

 

  1. T. — Comment a commencé ton implication dans cette bataille qui a bousculé tout le monde en 1990 ?

 

  1. N. — Je me suis impliqué dans l’opposition au développement domiciliaire et à l’agrandissement du terrain de golf au moins un an avant la crise de 1990. Quand la barricade a été installée devant la pinède en avril, j’ai senti que je devais être là. À l’époque, j’étais très impliqué avec ceux qu’on appelle les traditionalistes de la Maison longue. Me souvenir de cette crise m’est un peu difficile. Pour être franc, j’avais une certaine peur, sinon une peur certaine malgré la témérité de mes 18 ans.  Lorsque nous avons gagné la bataille le 11 juillet, nous avions le sentiment d’être invincibles. Nous étions euphoriques. Il régnait cependant parmi nous une énorme tension compte tenu de la mort d’un policier. Qu’allait-il arriver ensuite ? Quand la réaction des forces policières allait-elle nous tomber dessus ?

 

  1. T. — Il y avait des différences d’opinions sur la barricade…

 

  1. N. — Au début, nous étions ensemble dans ce mouvement d’opposition. Je ne connais pas la raison exacte de la division. Je n’étais pas avec Samson Gabriel, un ancien à l’époque, représentait la Confédération iroquoise, mais je le respectais, lui et sa famille. Politiquement, moi et d’autres n’étions pas en accord avec ces traditionalistes. Au moment de l’intervention policière, je sais que des gestes ont été posés qui ont menacé notre sécurité. Il existe des enregistrements audio qui montrent que certains traditionalistes étaient en contact avec la Sûreté du Québec (SQ) pour renseigner la police sur l’identité des Guerriers présents chez nous. Ils ont collaboré avec la police contre leur propre peuple et de la pire façon. Ils voulaient qu’on se fasse tuer. C’est ce que je ressens toujours, que je porte toujours en moi, comme beaucoup d’autres dans notre communauté. Je rencontre à l’occasion l’un d’entre eux qui a choisi de demeurer ici. Je le salue sans grand enthousiasme.

 

  1. T. — Comment s’est prise la décision de s’opposer à l’intervention policière avec des armes ?

 

  1. N. — Nous avons eu d’importantes discussions sur la barricade à savoir qui allait être l’agresseur. Et nous avons décidé que nous ne le serions pas. Nous avions aussi décidé que personne d’entre nous n’allait être battu ou que personne n’allait se faire tirer dessus. Si c’était le cas, nous savions que nous allions nous battre et faire usage de nos armes. Notre stratégie consistait à commencer par nous défendre verbalement, ensuite physiquement et, si nécessaire, nous le ferions avec nos armes. Notre position consistait à commencer par donner des « avertissements », ce que n’a pas fait la police. Plusieurs d’entre nous ont tiré dans les airs, donnant en quelque sorte des coups de semonce. La Sûreté du Québec n’avait pas cette attitude. Ils ont tiré sur nous à plusieurs reprises. J’ai entendu les bandes audio de l’échange de coups de feu. Je peux reconnaître le son de nos armes et des leurs. C’est clair pour moi, ils ont tiré sur nous et ont été très agressifs. Ils voulaient se battre.

 

  1. T. — Avant le 11 juillet, y a-t-il eu une discussion parmi vous à la barricade sur la réaction éventuelle de la police devant des coups de semonce afin de les faire reculer ? Certains auraient affirmé que la formation des policiers faisait en sorte qu’ils allaient tirer sur des gens dans ces circonstances…

 

  1. N. — Je ne peux dire s’il y a eu au préalable cette discussion parmi nous. Je n’ai pas assisté à toutes les discussions. Ce que je sais cependant, c’est que même en mars et avril, bien avant ce matin du 11 juillet, nous avions discuté de l’usage des armes. Quant à moi, il n’était pas question que je me laisse menacer ou battre. Je préférais mourir les armes aux poings. À 18 ans, je n’allais pas faire le chien battu, sans me défendre. Clairement, nous n’étions pas des pacifiques résignés à recevoir des coups sur la tête. Depuis mon enfance, j’ai vu comment nous avons perdu des terres. Alors là, il n’était pas question de laisser détruire la pinède. J’étais avec un groupe qui avait décidé, si nécessaire, de faire usage des armes. Je tiens à faire remarquer que cette position était légale. Nous n’avons enfreint aucune loi. Je n’ai pas fait partie du groupe des derniers résistants qui ont subi un procès et que la Cour n’a pas rendus coupables de l’accusation « d’usage d’armes à feu dans un dessein dangereux ».

 

  1. T. — Ta mère est intervenue pour te convaincre de te retirer…

 

  1. N. — Elle est intervenue vers la fin du siège lorsque les Forces armées ont décidé d’avancer. C’est à ce moment-là que ma mère – comme tout bon parent d’un jeune de 18 ans – a jugé bon de me sortir de là. Au début, elle s’était résignée au fait que je pouvais être tué. Elle craignait beaucoup que je me fasse grièvement blesser et que je sois handicapé pour la vie. Je me souviens que j’étais épuisé après avoir fait une ronde de 48 heures. Je me suis écroulé sur mon lit, mais à mon réveil, mon AK-47 avait disparu et mes affiches, mes bottes et vêtements de guerrier avaient été brûlés dans la cour arrière. Tout était disparu ! Ma mère avait « nettoyé » ma chambre ! Cela a été une grosse discussion ! Pour elle, c’était clair, il fallait m’empêcher de continuer. Elle voyait, elle sentait, que la situation pouvait à tout moment déraper terriblement, surtout quand le gouvernement provincial est arrivé avec un ultimatum. Sur le coup, je l’ai très mal pris. J’avais le sentiment qu’elle s’attaquait à ma virilité, à ma masculinité ! En fin de compte, elle voulait seulement me protéger. Cela faisait plus d’un mois et demi que la crise durait. Le gouvernement et l’armée étaient décidés à avancer et à mettre un terme à la crise. De plus, parmi nous, il y avait des problèmes de discipline. Il y a eu quelques incidents violents contre des gens qui avaient volé ou qui avaient causé des dommages à des habitations. Ces conflits entre nous ont donné un prétexte à l’armée d’intervenir et de nous pousser dans un quadrilatère circonscrit, soit le Centre de désintoxication de Kanehsatake. La violence a créé une grande tension dans la communauté et dans notre famille.

 

  1. T. — Comment cela s’est-il passé par la suite ?

 

  1. N. — J’ai essayé de retourner vers les Guerriers qui se sont retrouvés dans le Centre de désintoxication. Mais on ne pouvait pas passer, tout était encerclé par des soldats. Ils arrêtaient tout le monde et fouillaient les voitures pendant que leur véhicule d’assaut pointait une mitraillette de calibre 50 ! Ils voulaient encercler les Guerriers, y compris des femmes et des enfants. De son côté, la Sûreté du Québec avançait, là où se trouvaient l’édifice du Conseil de bande et celui de la Banque alimentaire. La Sûreté du Québec y avait parqué un autobus. Les gens me disaient de faire attention, qu’ils allaient arrêter tous les jeunes hommes. Finalement, je me suis caché et je n’ai pas été arrêté. Les policiers demandaient aux femmes et aux hommes de se présenter sur la route pour être identifiés et ils obligeaient les hommes à entrer dans l’autobus. Des années plus tard, — je ne dis pas que les situations étaient identiques — en regardant les images de ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine, je repensais à ces autobus ! C’était la même chose ! La même chose !

 

  1. T. — La situation est restée très traumatisante…

 

  1. N. — Je n’ai pas fait partie du groupe des derniers résistants. Je suis resté chez moi, sans sortir ou presque. Ma mère et son conjoint ont été plusieurs fois interceptés. Son conjoint a été violenté. Près de ma maison, nous voyions constamment des autobus remplis de policiers. Nous ne savions jamais s’il s’agissait d’un changement de garde ou d’une attaque. Une fois, nous nous sommes retrouvés face à face avec des policiers de la SQ, qui tentaient de s’infiltrer ou qui s’étaient simplement perdus, peut-être  ! Ma mère les a chassés en leur disant qu’ils étaient du mauvais côté de la barricade. Ils ont rapidement évacué les lieux ! Je comprends qu’on pouvait avoir peur dans ce genre de situation, plusieurs se sont réfugiés hors de la communauté, mais moi, je suis resté tout en me faisant harceler régulièrement par l’armée. Pendant toute cette crise, je pense n’être sorti qu’une seule fois de Kanehsatake. Pendant tout l’été, il y a eu fréquemment de telles situations extrêmement stressantes et dangereuses. Mon sommeil a été perturbé pendant de nombreuses années ; et pour tout dire, encore aujourd’hui je dors mal ! Raconter ces événements 26 ans après la crise me libère en quelque sorte, car je n’en ai jamais parlé. C’est important que j’en parle, et de façon honnête.

 

  1. T. — Quand avez-vous appris que le pont Honoré-Mercier allait être bloqué par des Guerriers de Kahnawake ?

 

  1. N. — Nous savions que le pont allait être pris avant le 11 juillet. Nous le savions à partir du moment où il y a eu ce conflit avec la municipalité d’Oka et la Sûreté du Québec, car nous avions demandé de l’aide de l’extérieur. Lorsque nous avons appris qu’ils avaient pris le pont, cela nous a donné confiance. Nous nous sentions plus forts. Et si quelque chose nous arrivait, ils allaient agir ! Le véritable leadership pendant cet été fut incontestablement la Maison longue, et non les Conseils de bande. Eux, écoutaient les ordres de leurs « patrons » à Ottawa.

 

  1. T. — Rétroactivement, tu vois les choses comment ? 

 

  1. N. — Je comprends que tous ne nous appuyaient pas. Nous avons pris des risques. Des gens avaient peur, la situation était difficile. Nous étions divisés. Il faut ajouter que nous étions dans une situation de guerre civile à cause des événements d’Akwesasne qui s’étaient produits quelques mois avant la crise et où il eut deux morts dans des échanges de coups de feu entre les opposants et les tenants de casinos. Cette mini « guerre civile » entre Mohawks a eu des répercussions jusqu’ici et suscitait des débats à Kanehsatake et à Kahnawake. On se demandait comment éviter que des groupes criminalisés ne prennent le contrôle de nos réserves, tout en évitant de collaborer avec la police. Notre position était que nous devions prendre nos affaires en mains et ne pas dépendre des autorités extérieures.

 

  1. T. — Qui voulait collaborer avec la police ?

 

  1. N. — Je pense que George Martin, le chef du Conseil de bande de Kanehsatake était un instrument d’Ottawa. Il était aussi de mèche avec le maire d’Oka. Pour ces raisons, il a été ostracisé par la communauté jusqu’à son décès, à la suite d’un cancer. Je me souviens de cette photo où on voit le chef Martin entre le maire de la paroisse d’Oka et des conseillers. Il avait l’air de l’Indien de service… Quelle tristesse de voir des gens collaborer ainsi.

 

  1. T. — As-tu eu d’autres déceptions ?

 

  1. N. — Je me rappelle avoir été dans une tranchée l’arme aux poings, sans avoir été vraiment bien informé de ce qui se passait. On ne nous demandait pas notre opinion. Je me suis retrouvé dans le rôle d’un soldat qui exécute les ordres et ce n’est pas ce qui unissait au départ. Je comprends qu’il fallait de la discipline dans un tel conflit, mais je pense aussi que nous aurions dû être mieux informés, y compris de ce qui se négociait. Des négociations, on était totalement écartés. À la table de négociation, on a perdu de vue la question du développement du golf. Certains mettaient l’emphase sur la souveraineté. Ce avec quoi je n’étais pas nécessairement d’accord. Je comprends aussi que les nôtres voulaient tirer profit de cette visibilité quotidienne et faire la promotion de la souveraineté. Il s’agissait de donner un sens politique à nos actions. Certains avaient en tête la question des affaires comme le développement de casinos, ce avec quoi je ne suis pas d’accord. Aujourd’hui, à la place du projet domiciliaire, on retrouve plutôt des commerces de tabac, ce avec quoi je n’étais pas en accord, et ce avec quoi je ne suis toujours pas en accord.

 

  1. T. — Malgré tout, tu as beaucoup appris…

 

  1. N. — Cette lutte a été une immense école. J’avais auparavant acquis une bonne base, notamment par les cours à l’école Survival School de Kahnawake et en lisant l’ouvrage Seven Generations[5] de David Blanchard. Par la suite, j’ai poursuivi mon éducation à la Maison longue de Kahnawake où j’ai eu l’honneur de connaître brièvement Louis Hall. J’ai eu comme une révélation en l’écoutant. Il nous montrait comment nous étions un peuple, comment nous avions des lois, une histoire, ce que j’ignorais totalement. Cela m’a marqué pour la vie. Écouter Louis Hall, c’était comme écouter Malcom X ou Mohamed Ali. Nous comprenions que nous étions une nation, des Guerriers capables de retourner aux sources. Il était très inspirant et convaincant.

 

  1. T. — Et aujourd’hui où on va ?

 

  1. N. — Aujourd’hui, je ne suis plus impliqué dans la Maison longue. Je ne sais pas si les anciennes divisions entre traditionalistes existent toujours, il faudrait leur demander. Les conflits survenus en 2004 dans la communauté m’ont découragé[6]. Pour tout dire, depuis ces événements durant lesquels on a incendié la maison du chef James Gabriel, je suis très désillusionné. Il ne s’agissait pas d’une autre crise, car tous ces événements sont reliés. Tout en m’opposant à l’intervention de policiers extérieurs de notre communauté (ce que demandait le chef), je n’étais pas d’accord avec les gens qui ont incendié sa maison. Il s’agissait d’un conflit politique et ce geste n’était pas juste. J’étais donc très désillusionné après ces événements. Il régnait un climat de surveillance policière. Nous avons même trouvé des caméras cachées dans des arbres. À bien y penser, nous n’étions pas paranos ! Cela a engendré encore plus de divisions et des tensions parmi nous. Cela s’est aussi produit dans d’autres réserves canadiennes et américaines après de grandes batailles. Pour régler nos problèmes, il est inadmissible de collaborer avec la police, c’est un principe dont je ne me départirai jamais ! Aujourd’hui, nous sommes méfiants les uns envers les autres. Il est difficile de converser entre nous, même dans des discussions privées. Cela ressemble à la situation de Wounded Knee lors de la crise de l’American Indian Mouvement et l’armée des États-Unis en 1973.

 

  1. T. — Comment maintenir et protéger la communauté ?

 

  1. N. — On ne le sait plus trop. La SQ est omniprésente, on a un peu l’impression de vivre sous une occupation. Parfois, je me sens seul dans mes pensées comme si j’étais sur une île. Entre-temps, je milite pour des causes, comme la question des pipelines[7]. Mon grand projet est également de pouvoir réaliser un prochain film qui s’appellera In the Long Shadows of the Pines –25 Years after the Oka Crisis. Les jeunes ne savent pas ce qui s’est passé. J’ai le goût de raconter comment j’ai vécu cela.

 

  1. T. — Est-ce qu’il est encore question de revendications territoriales ?

 

  1. N. — Récemment, en toute « légalité », un promoteur tentait de construire des maisons sur nos terres. En 1990, l’enjeu territorial était notre cimetière, la pinède et l’agrandissement du golf. Nous avons été très insultés de voir sur une des versions du plan d’agrandissement notre petit cimetière remplacé par un stationnement. De plus, nous savions que hors de ce cimetière, il y avait des sépultures. Lorsque j’étais jeune, lors de décès, j’ai creusé dans ce cimetière pour faire place à des cercueils. Nous trouvions alors souvent d’autres cercueils, et parfois, sous ces cercueils, des sépultures traditionnelles. Notre petit cimetière existe depuis très longtemps et il manque de place. Lorsque nous avons creusé nos tranchées, pendant la crise de 1990, pour nous défendre contre les Forces armées, nous avons trouvé des corps enterrés dans un linceul. Ces terres sont à nous et nous allons les garder.

Clifton Nicholas et Pierre Trudel[1]

[1]Anthropologue et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal.

[2] Pierre Trudel, « La crise d’Oka de 1990 : retour sur les événements du 11 juillet », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 39, n° 1-2, 2009.

[3] Un policier, le caporal Marcel Lemay, est tué dans l’échange de coups de feu. L’enquête du coroner a conclu que la balle de calibre militaire qui a tué l’agent provenait d’une arme utilisée par des occupants autochtones de la barricade. L’avocat représentant les intérêts des Mohawks n’a pas demandé de contre-expertise balistique.

[4] Ottawa a reconnu un manquement à sa responsabilité fiduciaire parce qu’il n’a pas empêché les Sulpiciens de vendre certaines terres de l’ancienne seigneurie.

[5] David Blanchard, Seven Generations : a History of the Kanienkehaka, Kahnawake, Kahnawake Survival School, 1980.

[6] En 2004, le chef de Kanehsatake, James Gabriel, sans informer l’ensemble de son Conseil, a organisé avec l’aide du gouvernement fédéral une intervention policière en faisant appel à des policiers autochtones d’autres communautés. Une partie de la population de Kanehsatake s’y opposa, empêchant pendant plusieurs heures les policiers de sortir du poste de police. Des manifestants ont alors incendié la maison du chef Gabriel. Des policiers de Kahnawake ont fini par rétablir l’ordre. Le ministre de la Justice du Québec a déclaré que l’intervention policière demandée par Gabriel était illégale. Le motif de l’intervention était de lutter contre la production et le commerce de marijuana. Ces tensions persistent autour de diverses activités plus ou moins légales.

[7] Le tracé du projet du pipeline Énergie-Est de TransCanada passe sur des terres qui font l’objet de négociation entre le Conseil mohawk de Kanehsatake et le ministère des Affaires autochtones. Le chef de bande Serge Simon est un fervent opposant comme une grande partie de la population de la région.

 


 

Ce texte est paru dans le nu 18 des Nouveaux Cahiers du socialisme.

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