Montréal, le jeudi 16 juin 2011
À tous les députés et députées de l’Assemblée nationale du Québec – Aux chefs des partis fédéraux
OBJET : Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne
Mesdames les députées,
Messieurs les députés,
L’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne aura des conséquences importantes sur la vie des Québécoises et des Québécois. Son vaste champ d’application englobe tant les services publics, les marchés publics et l’agriculture, que les droits de propriété intellectuelle, l’environnement, la culture et les services financiers. L’accord projeté ouvrirait tous ces domaines d’activité au secteur privé en donnant des droits inaliénables aux investisseurs et aux entreprises, droits qui seraient au-dessus des lois nationales et provinciales. Or, les négociations entourant cet accord d’une portée sans précédent se déroulent dans un manque total de transparence; aucun mandat démocratique clair n’a été donné par la population à ses gouvernements pour négocier un tel accord.
Aussi, l’ensemble des membres du Secrétariat intersyndical des services publics vous demande d’agir prestement afin que les négociations entourant ce projet d’accord soient rendues publiques. Nous vous demandons de tenir un vaste débat public afin que la population puisse dire si elle soutient ou non les changements qu’il apporterait au type de société dont le Québec s’est doté.
Souhaitez-vous vraiment que vos électeurs paient leurs médicaments plus chers selon la clause de « propriété intellectuelle »?
Par cet accord, les lobbies des médicaments d’origine veulent prolonger les brevets sur les médicaments d’origine. Cette mesure aurait pour effet de faire augmenter le coût des ordonnances avec une conséquence importante sur le financement de notre système de santé. D’ailleurs, pour le Québec, l’Association canadienne du médicament générique estime qu’il en coûterait près de 800 millions de dollars de plus par année pour les médicaments si l’AÉCG était adopté !
Considérez-vous sérieusement placer les grandes entreprises au-dessus des lois ?
La clause de « protection des investissements » permettrait à une entreprise de poursuivre l’État si une loi ou une réglementation la prive de profits anticipés. Ainsi, des lois établies pour protéger l’environnement, les conditions de travail ou contrôler la qualité des produits pourraient provoquer des poursuites coûteuses pour le gouvernement si elles contreviennent aux profits des entreprises. Une telle disposition réduirait de façon considérable le pouvoir de gouvernements démocratiquement élus.
Êtes-vous prêts à renoncer aux initiatives qui soutiennent le développement économique régional et local ?
L’ouverture des marchés publics canadiens et provinciaux risque de se faire au détriment du développement régional et local. Par exemple, si le secteur des transports est couvert par l’AÉCG combiné à la clause de « non-discrimination », le gouvernement du Québec ne pourrait plus privilégier Bombardier dans l’octroi du contrat du métro de Montréal pour conserver les emplois à La Pocatière. Croyez-vous vraiment que vous feriez des économies de fonds publics si l’on ne peut plus tenir compte des bénéfices sociaux des investissements ? Rien n’a été prouvé en ce sens !
Pourquoi laissez-vous le robinet ouvert à la privatisation de notre eau par les grandes multinationales européennes ?
L’eau est une matière première qui a fait du Québec une force économique reconnue internationalement. Les négociateurs européens ont vite ciblé cette manne. Des entreprises européennes comme Véolia et Suez y voient un très important et lucratif marché. Que ferez-vous si elles s’approprient une place très importante dans le marché de l’eau, qu’elles en contrôlent le coût ou qu’elles décident d’importer leur propre main-d’œuvre spécialisée, comme le permettrait la clause de mobilité de main-d’œuvre prévue à l’accord ?
Réalisez-vous les effets néfastes sur l’environnement de certaines clauses de l’AÉCG ?
Avec l’AÉCG, les entreprises d’ici ou de l’Europe pourraient s’opposer à nos lois environnementales, prétextant qu’elles entravent leur droit de réaliser des profits, même si ces profits reposent sur le commerce de pesticides nocifs pour la santé ou l’exploitation abusive de nos ressources.
N’êtes-vous pas inquiétés par le fait que la culture n’est pas exclue de l’accord ?
Malgré la prédominance de la culture anglo-saxonne dans le monde, et malgré notre lutte pour la diversité culturelle, les négociateurs n’ont pas jugé opportun d’exclure la culture de l’accord. C’est particulièrement le secteur des télécommunications qui semble le plus sensible. Qu’adviendra-t-il si un groupe étranger devient propriétaire majoritaire d’une entreprise de télécommunications au Canada ? Les clauses de l’AÉCG prévaudront-elles sur celles faisant la promotion des contenus locaux ? Comment les artistes et autres intervenants du milieu québécois de la culture seront-ils touchés dans leurs emplois ?
De plus, quelles seront les dispositions reliées au droit du travail ? Respecteront-elles les grandes conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ?
Pour toutes ces raisons, l’AÉCG demeure une atteinte à la souveraineté économique, sociale et culturelle du Québec. Cet accord protège davantage les intérêts des entreprises et des investisseurs que ceux de la société québécoise. Outre les conséquences néfastes, le Québec risque de n’en tirer rien de positif puisqu’il a déjà accès au marché européen!
Nous vous exhortons de faire en sorte que la teneur d’un éventuel Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne soit révélée au grand jour. Nous réclamons un débat sur cette question à l’Assemblée nationale ainsi qu’une consultation publique, comme l’a promis la première ministre de la Colombie-Britannique, sur les termes des négociations en cours afin que le Québec ne fasse pas les frais de l’AÉCG.
Réjean Parent, Président CSQ
Régine Laurent, Présidente FIQ
Lucie Martineau, Présidente SFPQ
Dominique Verreault, Présidente APTS
Gilles Dussault, Président SPGQ
À propos du SISP
Le SISP regroupe 330 000 membres issus de cinq organisations syndicales (CSQ, FIQ, SFPQ, APTS et SPGQ), dont 265 000 proviennent des secteurs public, parapublic et péripublic. La mission première du Secrétariat s’articule autour de la défense et de la promotion des services publics offerts à la population québécoise. Par leurs actions concertées, la CSQ, la FIQ, le SFPQ, l’APTS et le SPGQ souhaitent favoriser l’accès à des services publics de qualité, et ce, sur l’ensemble du territoire québécois.
c.c. Médias
Consultez le document intitulé Argumentaire sur l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG)