Les événements des derniers jours ont propulsé la question des pactes électoraux entre Québec solidaire et le Parti québécois à l’avant-scène. Comme le disait Marie-Josée Dufour de QS-Taschereau « compte tenu des distorsions causées par notre système électoral et du nouveau contexte politique, notamment la fusion de l’ADQ et de la CAQ, il me semble qu’une réflexion sérieuse et de bonne foi, suivie d’échanges respectueux entre les membres de Québec solidaire, est inévitable. » Poussons donc un peu plus loin la réflexion.
Mais tout d’abord une mise au point s’impose dans mon cas : je n’ai jamais souhaité que QS cède des circonscriptions en régions au PQ en échange d’une douzaine de circonscriptions montréalaises, comme le laissait entendre Antoine Robitaille dans le Devoir en me citant. Depuis quelques temps déjà, je maintiens que QS obtient de bons résultats à Montréal comme dans certains pôles régionaux et que c’est là que réside son potentiel de faire élire une équipe de Solidaires la prochaine fois.
Plusieurs autres facteurs entrent cependant en considération lorsque vient le temps de réfléchir aux bases de futurs pactes électoraux. Marie-Josée Dufour en décrit un lorsqu’elle affirme : « … il ne peut pas y avoir de pactes pour les circonscriptions où les deux principaux rivaux sont du PQ et de QS, et encore moins pour les circonscriptions où des députés péquistes sortants sont candidats. » Intéressant, ça mérite qu’on y réfléchisse sérieusement même si a priori je n’en ferais pas une règle absolue. Ça confirme cependant qu’un pacte n’est pas une fusion ou une alliance qui ferait en sorte que QS cautionnerait l’ensemble des positions du PQ, et vice-et-versa. En ce sens, j’ai tendance à être d’accord avec elle lorsqu’elle affirme qu’il ne saurait être question de laisser par exemple le champ libre à la députée Agnès Maltais, marraine du projet de loi 204 (tout comme le PQ n’est pas disposé à date à laisser Gouin à Françoise David).
D’autres considérations, comme la candidature du chef ou de la cheffe d’un autre parti, celle d’un ministre sortant ou d’une « vedette », ou encore le fait qu’une circonscription soit un « château fort » ou considérée comme « baromètre », pourraient aussi être prises en compte (positivement ou négativement). Et à cela, il ne faut pas oublier d’ajouter nos propres considérations « internes » : la parité des candidatures, des circonscriptions à Montréal certes mais aussi à part égale en région, tout comme l’état et l’avis des troupes solidaires sur le terrain.
Mais avant d’en arriver là, d’autres ont émis le souhait que si de tels pactes venaient qu’à être conclus, ils devraient reposer sur un minimum d’idées communes, partagés par les deux partis. En parlant d’une nécessaire réforme des institutions démocratiques, de la réaffirmation de la notion de bien commun, d’un développement économique plus respectueux de l’environnement et de l’assemblée constituante comme étant au cœur d’un plus grand consensus sur la question nationale, Atim Léon, ex-président du Montréal-centre au PQ, quant à lui écrivait : « … voilà quatre grands objectifs dont je souhaite la réalisation à tous mes concitoyens. Or, s’il faut choisir lors d’une élection sur quel parti parier pour leur réalisation, je serai tout à fait prêt à parier sur une coalition de partis, celle du PQ, de QS et d’ON… ».
Voilà des éléments nouveaux dans le débat à considérer. Si des ententes entre QS et le PQ devaient être conclus pour que l’un et l’autre cèdent sa place dans un certain nombre de circonscriptions, ils serviront certes leurs propres intérêts partisans (faire élire le plus grand nombre de député-e-s), mais ces ententes devraient aussi faire avancer le Québec sur le chemin du progrès et de la liberté. Conséquemment, ils serviraient à barrer la route à ceux pour qui progrès et liberté riment avec désengagement de l’État et responsabilités individuelles, au mépris des droits collectifs et des acquis sociaux.
Mais pour cela, encore faut-il accepter d’y réfléchir et d’en débattre. Les obstacles sont nombreux et, bien souvent, légitimes. Le Parti québécois est loin d’être parfait et l’existence même de Québec solidaire est en partie le résultat du désabusement de souverainistes progressistes qui ont perdu confiance dans un premier temps pour ensuite placer leurs espoirs dans un nouveau parti de gauche. Mais s’il fallait que le parti fondé par René Lévesque accepte de revenir à ses principes et de s’entendre avec QS pour défendre des propositions audacieuses communes, et le cas échéant s’il était élu au gouvernement de les mettre en place rapidement, il me semble que ce sont les Québécoises et les Québécois qui en ressortiraient gagnant-e-s.
En conclusion, le débat entourant les pactes électoraux n’est pas simple et demande à ce que l’on s’élève au-dessus de la mêlée partisane. C’est ce que souhaite la majorité de la population selon moi. Beaucoup d’inconnues demeurent, j’en conviens, et au fil de ma réflexion je souhaite pouvoir en débattre ouvertement et sereinement. Mais pour l’heure, avant de m’engager dans l’élaboration de propositions concrètes, il me semble souhaitable qu’un plus grand nombre se montre favorable à cette idée mais surtout qu’elle ne soit pas rejetée d’emblée sans avoir considérée l’évolution de la conjoncture politique au Québec depuis près d’un an ainsi que les récents événements.
Stéphane Lessard
Ex-membre du Comité de coordination national de Québec solidaire (2006-2010)