Quelles sont les conséquences des mesures prises par le nouveau gouvernement américain pour tenter, sinon d’enrayer la crise, du moins d’en amortir les conséquences sociales ? Et quels effets ont-elles pour tous les « déclassés » qui galèrent dans les expédients et les résistances individuelles ou collectives à la dégradation de leur « standing » ?
H. S.
Échanges n° 132 (printemps 2010).
http://www.mondialisme.org/spip.php?article1502
Une des premières mesures prises pour éviter l’effondrement fut le sauvetage des banques qui s’écroulaient sous le poids des prêts de toutes sortes, dont les remboursements ne rentraient plus en raison du ralentissement de la production globale – au lieu de l’expansion que les financiers avaient anticipée. Comme l’exprimait un économiste : « Le système bancaire, cœur du réacteur, c’est lui qu’il faut protéger. » Les avis divergent sur l’ampleur de ces mesures, depuis les avances remboursables ou les crédits de la Banque fédérale (FED) à taux d’intérêt presque zéro (qui prête aux banques à 0,5 % alors que ces mêmes banques reprêtent à 3,68 %), jusqu’aux rachats par la même FED à leur valeur nominale des « titres pourris » ou les prises de participation dans les entreprises équivalent à des nationalisations. Les tentatives d’imposer des contrôles» aux banques ayant bénéficié de mesures de sauvetage (Trouble Asset Relief Program, TARP) ont été contournées, ces banques ayant pu trouver de l’argent frais par différentes émissions pour rembourser les sommes reçues et échapper au contrôle de l’État.
Pouvoir financier
Un autre plan, « Public Private Investment Program », favorise un appel aux « petits investisseurs » en leur offrant la garantie de l’État. Dans ce secteur financier, des restructurations importantes peuvent se produire comme la concentration des banques et le rapatriement des avoirs à l’étranger. En 2009, suite à ces concentrations, les quatre plus grandes banques des États-Unis regroupent 70 % des avoirs bancaires du pays, contre 50 % en 2000. Le secrétaire d’État au Trésor s’est opposé à la limitation par l’État fédéral des salaires des dirigeants des banques, avec l’argument : « Nous devons sauver le marché de sorte que le marché fasse de son mieux ». Ce qui est certain, c’est que le pouvoir des milieux financiers s’est affirmé dans l’opposition à des mesures telles que le rétablissement de la séparation entre banque d’affaires et banque de dépôts (fusion interdite en 1933 et rétablie en 1999), ou le projet d’autoriser les tribunaux à modifier les clauses des contrats de prêts hypothécaires pour aider les débiteurs défaillants (qui aurait permis à 1 700 000 débiteurs de garder leur logement). Cette recapitalisation des prêts a fait l’objet d’un programme: le Home Affordable Modification Program, qui met des fonds d’État à la disposition des banques (35 milliards de dollars, dérisoire face à ce qui leur est alloué par ailleurs) pour leur permettre de transformer les prêts défaillants de sorte que les emprunteurs puissent faire face à leurs échéances ; seulement 9 % de la totalité des prêts en ont bénéficié, les banques y étant hostiles car cela les prive des ressources que leur assure le refinancement avec leurs propres fonds.
Endettement et faillite
La dette des foyers américains s’élèverait à 14 000 milliards de dollars. Un programme de relance prévoit 1,5 milliard de dollars pour des aides à la location avec le financement d’un dépôt de garantie. Les pronostics dans ce domaine ne sont guère rassurants : en mars 2009, le montant de 26 % des prêts était supérieur à la valeur de la maison ; ce taux atteindrait 48 % en 2010. De même certains États achètent les maisons abandonnées vandalisées pour les réhabiliter et les offrir à la location. Alors que les grandes banques affichent en août 2009 des résultats insolents, le nombre de « petites » banques « à problèmes » est passé fin 2009 à 702, dont 140 en faillite, essentiellement à cause des défaillances sur l’ensemble des prêts – pas seulement les « subprime » mais aussi les prêts commerciaux ou industriels (dont les défaillances ont doublé en 2009 par rapport à 2008), des découverts non remboursés sur les cartes de crédit (en croissance de 84 % en 2009 et touchant 10 % du nombre de ces cartes).). La seule question, pour tous les travailleurs américains, n’est pas tant le sauvetage des banques que l’incidence des milliards de dollars déversés pour ce sauvetage et pour « stimuler » l’économie, toutes « aides » financées par des émissions de papier monnaie (la planche à billet) génératrices d’une inflation qui accentuerait la misère et l’appauvrissement.
Concentration bancaire
On assiste à une concentration sans précédent du secteur bancaire. En novembre 2008, après avoir reçu des milliards de dollars du gouvernement, les neuf plus grandes banques ont formé un consortium, « CDS Dealer Consortium », pour contrer la régulation des marchés spéculatifs (hedge funds et marché des « derivatifs »). S’il fallait un indice de la présence des milieux financiers autour d’Obama on peut noter que ces milieux ont été les seconds contributeurs à sa campagne électorale. Dès avril 2009, les banques ont pu tout au moins présenter des comptes de nouveaux bénéficiaires, par différentes astuces comptables (apport des fonds publics, garanties des « actifs toxiques »– 2 000 milliards d’actifs toxiques seraient ainsi toujours comptés –, emprunts à taux zéro auprès de la FED) ; les réductions d’effectifs (260 000 depuis début 2006) ont pu jouer également dans cette reconquête des profits. En juin 2009, huit des dix plus grandes banques qui avaient reçu des subsides ont été autorisées à rembourser ces avances, ce qui les a libérées de toutes les restrictions, notamment de salaires et bonus des dirigeants, qui y étaient attachées. Une déclaration officielle, toujours en juin 2009, a souligné que de telles limitations seraient « contre-productives ».
Les États et municipalités en déroute
L’autre aspect des problèmes financiers est celui des budgets de l’État Fédéral et des collectivités publiques, budgets étroitement liés puisque l’État fédéral doit garantir celui des États. Une loi du 10 février 2010 contraint les États à équilibrer leur budget et Obama a précisé qu’il n’était nullement question pour l’État fédéral de combler le déficit des États. Au cours du premier trimestre 2009, les recettes fiscales ont baissé de 26 %, les besoins des États sont plus du double de ce qui avait été prévu ; on prévoit qu’en 2010, 46 États seront défaillants. En juin 2009, 15 États avaient épuisé leur fonds d’assurance chômage et ont dû emprunter au trésor fédéral pour financer leurs obligations ; ils seraient 30 en 2010.
Faire payer les pauvres
Pratiquement tous les États ont entrepris d’adapter leurs dépenses aux recettes en chute libre. On ne peut énumérer toutes les dispositions, touchant pratiquement tous les services d’aide aux démunis, de l’éducation et des services essentiels comme les pompiers. Pour aggraver les conditions de travail tant des agents des services publics que des entreprises privées, les dirigeants politiques font preuve d’une imagination débordante : jours de congé obligatoires non payés (trois jours par mois en Californie, six jours dans l’année dans le Michigan), temps partiel, épargne obligatoire versée en cas de départ ou retraite, journées de travail sans salaire, etc. Les deux plus grands syndicats de l’État de New York ont accepté des plans de réduction des retraites et salaires des entrants (notamment le service des transports, avec la suppression de 7 000 emplois et l’augmentation du tarif des transports publics. En Oregon, l’État qui disposait d’un généreux programme d’aide aux plus démunis, le manque d’argent fait que ceux qui peuvent en bénéficier sont désignés par tirage au sort, comme à la loterie.
Pleins feux sur les chômeurs
L’indemnisation du chômage apparaît un vrai maquis et est porteuse d’une dégradation toujours plus grande des situations individuelles ; le nombre de chômeurs s’accroît constamment. Le fait que dans les mesures de relance d’Obama, la durée d’indemnisation du chômage ait été portée de 26 à 59 semaines n’a guère modifié la situation. D’une part, même si cette indemnisation est en moyenne de la moitié du salaire, elle peut varier suivant les États, qui fixent leur plafond d’allocations (de 242 dollars dans l’Arizona à 942 dollars dans le Michigan). Mais 34 % des chômeurs n’y auraient pas droit (ex-travailleurs à temps partiel, indépendants ou à la commission). Neuf millions de chômeurs seraient actuellement indemnisés. Mais même si ce nombre reste stable, cela signifiera que certains sortiront du système par épuisement de leurs droits alors que d’autres y entreront par perte de leur travail. Ceux qui finissent par être exclus du système ont droit au « Welfare », (assistance temporaire pour les familles dans le besoin) versé à tout foyer où la mère est sans emploi dont le montant fixé à 362 dollars par mois n’est versé que sous de très strictes conditions.